Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon
Cher Jean-Luc Mélenchon,
Je me permets de t'écrire pour te dire comment je ressens ta candidature proposée pour la présidentielle. Les quelques mots de présentation sur ton site Internet ne cadre pas avec ton engagement tout au long des terribles années que nous venons de traverser. Crois-tu vraiment que le peuple de France a besoin d'un sauveur suprême ?
Militant de longue date du PCF, nous nous sommes croisés à de nombreuses reprises dans des manifestations, des réunions. Tu m'as soutenu quand mon militantisme m'a amené devant la justice. Nous avons eu un moment de discussion en tête à tête sur les quais de la gare d'Antibes… Tu le sais, j'ai défendu ta candidature en 2012 y compris dans mon parti et j'ai participé avec enthousiasme à la campagne. Mais tout cela était marqué du sceau du collectif, de la mise en commun.
Notre Front de gauche a été un outil performant qui a inquiété les forces de l'argent et les serviles qui sont ses obligés, de la droite,de son extrême mais aussi du PS. Ça a été un honneur pour moi de présider la groupe des élus Front de Gauche de la Région Provence-Alpes Côte d'Azur où toutes les sensibilités étaient représentées.
J'ai adhéré au Mouvement pour la 6e République, là-aussi parce que nous remettons en cause l’hégémonie présidentielle sur la politique en France.
Tu comprendras que ton initiative individuelle ne cadre pas avec ces engagements, nos engagements. J'ai bien-sûr des reproches à faire à mon parti,les élections municipales à Paris et dans quelques autres villes ont jeté le trouble en continuant de brouiller l'image du Front de Gauche. Mais tu sais très bien la difficulté pour des militants engagés, partisans, de couper les liens. Tu l'as fait avec le PS mais cela n'a pas été anodin. Aujourd'hui nous n'avons pas besoin d'un candidat du Front de Gauche qui reproduirait au mieux le score de 2012 donc insuffisant pour chambouler le scénario déjà écrit du second tour : extrême droite – droite dure ou molle !
Nous avons besoin d'un rassemblement plus large incluant les écologistes. Je ne parle pas des verts errants qui vont à la soupe. Nous avons besoin de tous ces militants et électeurs socialistes en déshérence y compris ceux qui espèrent encore aujourd'hui dans le social-libéralisme et qui sont chaque jour plus nombreux à ouvrir les yeux. Nous avons besoin de ces millions d’abstentionnistes qui ne croient plus en la politique, en l'action collective et qui auraient du mal à partager ton initiative personnelle.
Alors oui, pour l'instant la façon de faire converger tout cela s'appelle « primaires », et pourquoi pas ?
Pourquoi pas prendre le temps du débat, d'élaborer des propositions, de convaincre y compris au moins cinq cent élus pour qu'ils soutiennent cette démarche collective ?
Pourquoi pas rassembler les partis de gauche, le Front de Gauche bien-sûr mais aussi d'autres partis, syndicats, associations, pour s'appuyer sur un socle solide, combatif et fraternel ?
Tu sais qu'une élection présidentielle ce n'est pas une affaire d’ego, d'un seul homme. Tu as vu l'engagement des militants en 2012, réunions, tracts, débats, finance… C'est un enjeu, un pari important, ne prend pas le risque de diviser et d'un coup de faire le jeu des socio-libéraux mais au contraire participe au collectif. Nous avons besoin de toi, de ton expérience, de ton engagement, tu aura ta place et pourquoi pas la première.
Tu as compris, je ne partage pas ta décision de s'auto-désigner pour affronter un moment décisif pour notre pays qui peut être catastrophique pour les valeurs que nous portons, ce n'est pas au niveau de l'enjeu.
Amicalement,
Gérard PIEL